Brèves

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C’est bien en fonction du présent qu’Emmanuelle Tremblay a préparé le dossier de ce numéro, La frontière. Récits de l’entre-deux « La forme actuelle d’organisation en réseau des espaces géopolitiques, des marchés et des communications, ouvre sur de nouveaux possibles de circulation qui nous engagent à explorer les significations de la frontière. » Mais cette actualisation, si l’on se reporte aux ouvrages — tous très récents, soulignons-le — recensés, donne lieu à une reprise de l’exploration de la frontière et de ses imaginaires, de la Renaissance à aujourd’hui, de la« frontière mobile » des eaux séparant et reliant l’Ancien et le Nouveau Monde à la frontière « entre l’humain et le non-humain » que forcent la recherche biomédicale et le cyberespace. Insistant sur sa complexité et ses contradictions, que module le « Constat » de Gilles Thérien, Emmanuelle Tremblay propose que « c’est justement en raison de cette ambiguïté que la notion de frontière permet d’aborder des phénomènes qui se donnent à saisir en “mouvement”, dans un contexte dit transculturel ou transdisciplinaire qui ne peut être réduit à une simple valorisation de l’hétérogène per se. » Les œuvres photographiques d’Ivan Binet et d’Edward Burtynsky présentées dans ce numéro ne sont pas sans rapports avec ce « passage obligé » de la frontière. Au contraire. Si Jean-Claude Rochefort évoque la« fantaisie du monde » en qualifiant le premier de« passeur d’images », d’« artiste qui fait glisser le regard clandestinement d’une frontière à l’autre »,Manon Regimbald voit dans les œuvres du second l’expression d’un passage menant « à la déperdition » :« Fouillant dans les poubelles de notre monde, Burtynsky voyage à travers des paysages abîmés par l’industrie. »

Et comment ne pas placer sous le signe de la frontière le Prix Spirale de l’essai 2002-2003 remis à Michel van Schendel pour un ouvrage qui joue sur les frontières des genres, Le temps éventuel (L’Hexagone)? Notre collaborateur Thierry Hentsch (Spirale 191) a parlé à propos de cette Histoire d’un homme et de plusieurs,pour citer le sous-titre, de l’« incertitude » générique qui « prend la forme d’un dédoublement, voire d’un triplement » et permet à l’écrivain, « sans romancer sa vie ni renoncer à la liberté de la fiction », d’échapper aux pièges de l’autobiographie — la distance et les déplacements du regard ne la font-ils pas glisser vers l’essai? C’est cette liberté que Spirale a voulu reconnaître en même temps que la pertinence, qui se mesure à son « impertinence », selon les mots mêmes de l’auteur, d’une « écriture sachant déranger le convenable », en cela fidèle aux engagements qui animent, depuis le début, le parcours d’intellectuel et d’écrivain du lauréat. « L’éventualité du temps rapporté, écrit Hentsch, ne trouble pas cette loyauté foncière. » — Le prix est constitué, cette année, d’une œuvre photographique d’Ivan Binet.

En offrant nos plus vives et chaleureuses félicitations à Michel van Schendel, nous exprimons non moins cordialement aux autres finalistes (Gérard Bouchard, Véronique Cnockaert, Hélène Dorion, François Hébert, François Ricard et Régine Robin) notre fierté de voir leur nom s’ajouter à notre liste d’essayistes distingués.

Nous sommes heureux d’annoncer que Patrick Poirier a été nommé directeur de la collection « Spirale » publiée chez Trait d’Union. Nous vous invitons, chers collaborateurs et lecteurs, à nous soumettre (adresser au bureau de Spirale) un essai écrit dans un style personnel sur un sujet actuel présentant un intérêt social et intellectuel.

Bonne lecture et bonne écriture!