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André Beaudet, figure clé de la vie intellectuelle du Québec post-tranquille, est décédé cet automne. Depuis le numéro percutant du collectif de la revue Change sur le thème «Souverain Québec» qu’il avait codirigé à Paris en mars 1977, jusqu’à l’aventure éphémère de L’Impossible, revue littéraire et culturelle fondée par lui à Montréal en 1992, l’auteur deLittérature l’imposture n’aura cessé d’être la conscienceintranquille d’un pays inachevé. Un hommage, que le mutisme «criant» qu’il s’est imposé de son vivant rend maintenant plus urgent, lui sera rendu dans le numéro de mars-avril 2007.
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Une actualité troublante porte et traverse ce numéro deSpirale. Le dossier essentiel que proposent ici Georges Leroux et Olga Hazan, sous le titre Islam, islamisme, terrorisme: un amalgame inquiétant, s’inscrit en effet dans une actualité marquée par la plus récente guerre du Liban et la commémoration du 11 septembre 2001. Les collaborateurs du dossier présentent ici des ouvrages «susceptibles d’éclairer le phénomène général de la terreur et de la violence, à une époque où cette terreur est rapportée, souvent de manière non élucidée, à un fondement religieux». Loin de proposer une équation entre islam, islamisme et terrorisme, les responsables de ce dossier —magnifiquement illustré en page couverture par la miniature Mahomet et Khadija— pensent«au contraire que cette équation est grevée d’une intolérable confusion». Plus nous laisserons «cette confusion envahir le champ politique de notre rapport à l’islam», écrivent Leroux et Hazan, «plus nous verrons se creuser le fossé déjà largement ouvert entre les pays musulmans et les pays occidentaux». Le travail accompli ici par les responsables et collaborateurs de ce dossier nous semble, en ce sens, devoir être salué!
C’est à une tout autre critique, à une tout autre réflexion sur le terrorisme, que nous convient, à leur façon, la série «Attentat» de l’ATSA, que présente en ces pages Annie Roy, l’exposition 1 1/2 Côte-des-Neiges de Mathieu Beauséjour, ainsi que le portfolio consacré à l’exposition Terrorisme, Démocratie, Loisir de l’artiste Afshin Matlabi. Comme le souligne Sonia Pelletier, «Matlabi tente de rendre compte de l’idéologie qui se loge derrière le néolibéralisme engagé par la mondialisation».
Ces regards et propositions hétérogènes —comme les dangereux amalgames que dénoncent les collaborateurs du dossier de ce numéro— trouveront peut-être d’entrée de jeu un éclairage inattendu dans le jugement incisif que porte Mathieu Arsenault dans la rubrique «Actualités… débats». «Les médias», écrit-il dans un texte consacré à la fusillade du Collège Dawson, «laissent la place à ceux qui arrivent à généraliser l’état de la société en un ensemble de formules-chocs aussi spectaculaires que grossières».
Soulignons également, dans ce numéro, la publication d’un entretien avec Antonio Negri, dont l’intégrale est disponible sur le site de Radio Spirale (www.spiralemagazine.com). Negri revient ici sur les concepts fondateurs de sa réflexion sur la «multitude», l’influence de Spinoza et la situation politique en Amérique latine.
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C’est avec énormément de plaisir que nous accueillons Gilles Dupuis au sein du comité de rédaction. Professeur au Département des littératures de langue française de l’Université de Montréal, Gilles Dupuis s’intéresse à tout ce qui touche, de près ou de loin, au Québec contemporain et à la vie culturelle au sein de la Cité. Dans le tracé sinueux de l’œuvre d’Aquin et de Ferron, dans la mouvance de la pensée d’un Belleau ou d’un Beaudet, il croit encore que la figure de l’intellectuel est essentielle aux débats actuels.
À venir en nos pages: Les théories américaines (mars-avril 2007); Les nouveaux conflits générationnels (mai-juin 2007); et Les masculinités (juillet-août 2007). N’hésitez pas à nous soumettre des propositions de dossiers!
PRIX SPIRALE EVA-LE-GRAND 2006
Les membres du comité de rédaction du magazine ont été particulièrement heureux de remettre le prix Spirale Eva-Le-Grand 2006 à Catherine Mavrikakis pour son essai Condamner à mort. Les meurtres et la loi à l’écran (PUM, «Champ libre», 2005). Comme le souligne en ces pages Patrick Poirier, «bien avant d’être une charge contre la peine de mort […], cet essai se veut une critique de l’intellectuel moderne, un réquisitoire contre la pensée cynique». Le prix, une sérigraphie et vernis sur papier arche intitulée Devil’s Face(2000) de Mathieu Beauséjour, a été remis à la lauréate lors d’une soirée à la galerie La Centrale le 1er décembre dernier.