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«Donner à penser» : c’est par ces mots, dans notre numéro de septembre-octobre 2006 (no 210), que le comité de rédaction de Spirale cherchait à formuler l’impératif auquel le magazine, d’un numéro à l’autre, s’efforce de répondre du mieux qu’il peut, invitant nos collaborateurs et nos collaboratrices à faire leur cette injonction, seul mot d’ordre de notre communauté de lecteurs et de lectrices. Les dossiers qui, depuis, nous ont été soumis et que nous vous avons en retour donné à lire, se sont inscrits dans l’esprit de cette injonction. Les nombreux commentaires que nous avons reçus, notamment au sujet du dossier «Islam, islamisme, terrorisme : un amalgame inquiétant» (no 212, janvier-février 2007), nous confortent dans l’idée que le mandat de Spirale,aujourd’hui plus que jamais, revêt une importance significative dans l’époque qui est la nôtre, contexte qui exige d’un espace critique comme celui du magazine davantage qu’une simple recension de l’actualité culturelle.«Notre rôle», écrivions-nous dans le numéro de septembre-octobre 2006, «est de réfléchir à cette actualité, de la penser — de penser le contemporain —, de “lire, analyser, situer ce qui s’écrit, se joue, se filme, s’expose.”» La présence d’un public nombreux et intéressé, le 7 février dernier, à la table ronde organisée à la librairie Olivieri par les responsables du dossier «Islam, islamisme, terrorisme: un amalgame inquiétant», Georges Leroux et Olga Hazan, démontre aussi, si besoin est, que le public mérite mieux, beaucoup mieux que le traitement réservé par les médias aux questions qui ont occupé l’actualité des derniers mois. Dans la foulée des commentaires et des interventions des participants de cette table ronde, Rachad Antonius, Salah Basalamah, Jean-Paul Brodeur, Christian Nadeau et Marie-Joëlle Zahar, que nous remercions vivement, nous tenons à répéter encore une fois qu’il est possible, nécessaire, urgent de tenir une parole critique rigoureuse, mais néanmoins accessible dans l’espace public. À ceux et celles qui déplorent le silence des intellectuels, force nous est d’affirmer de nouveau que ce désengagement ne relève pas entièrement de ces derniers, mais qu’il est également le fait des grands médias traditionnels qui, aux réflexions et aux analyses, préfèrent encore et toujours les élucubrations-chocs et les commentaires prêts-à-penser visant à alimenter les sondages du jour. Le silence des intellectuels est celui de leur absence dans ces espaces médiatiques ; leur engagement dans la cité se donne à lire, à entendre dans d’autres lieux (la librairie Olivieri jouant à ce titre un rôle qu’il faut saluer chaleureusement), plus modestement, certes, mais à la mesure, précisément, des tribunes et espaces qui leur sont encore ouverts.
Ce magazine, est-il seulement besoin de le répéter, se veut une telle tribune, espace auquel notre projet Internet Radio Spirale vient donner une tout autre dimension. Dans la foulée et le prolongement de ce numéro, on y retrouvera donc notamment l’entrevue intégrale avec Sylvère Lotringer dont nous publions un large extrait dans le dossier «American Theory : quelques penseurs à vue». Comme le souligne le responsable de ce dossier, Sylvano Santini, la «pensée théorique aux États-Unis ne semble pas très bien connue des intellectuels francophones au Québec». S’il a tenu, en nos pages, à en souligner la méconnaissance, «ce n’est pas pour lui redonner du lustre et encore moins pour réparer une longue erreur, mais tout simplement pour proposer de l’aborder sans idées préconçues».
En plus de nos chroniques régulières et des portfolios consacrés aux artistes Nathalie Bujold et Julie Andrée T., nous avons tenu, comme nous l’annoncions dans le dernier numéro, à rendre hommage à André Beaudet, figure clé de la vie intellectuelle du Québec post-tranquille, malheureusement décédé cet automne. Dans le «Thrène» que lui consacre Gilles Dupuis en ouverture de ce numéro, on retrouvera un inédit d’André Beaudet, «Faute d’écrire», que nous publions grâce à l’aimable autorisation de sa fille. Espérons, avec Gilles Dupuis, «que le dernier des “prophètes de malheur” de notre inconscience trop tranquille ne soit pas éternellement confiné au silence de mauvais aloi.»
Erratum — Une erreur s’est malencontreusement glissée dans le nom d’un collaborateur de notre dernier numéro. Nous tenons donc à exprimer toutes nos excuses à Bernard Schütze, auteur de «Terrorisme, télévision et aménagement intérieur» (janvier-février 2007, no 212, p. 6-7).