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Henri Meschonnic est décédé le 8 avril dernier. Grand poète et traducteur — notamment de la Bible —, professeur et chercheur inlassable de l’Université Paris 8 (où il avait créé l’École doctorale « Disciplines du sens »), théoricien du rythme et d’une poétique des langues et des discours, fondateur d’une anthropologie historique du langage, il laisse une œuvre immense, extrêmement féconde et dense. Membre de l’Académie Mallarmé depuis 1987, Henri Meschonnic avait reçu, en 1972, le prix Max-Jacob pour Dédicaces proverbes, le prix Mallarmé, en 1986, pour Voyageurs de la voix, et, pour l’ensemble de son œuvre, le prix de littérature Nathan-Katz, en 2006, ainsi que le Grand Prix international de Poésie Guillevic-ville de Saint-Malo, en 2007. Le numéro 76 de L’Infini, intitulé Coup de Bible, lui a été dédié à l’automne 2001 ; et en 2003 un colloque lui a été consacré à Cerisy. Ses plus récents ouvrages sont parus peu avant son décès : Pour sortir du postmoderne (Paris, Klincksieck, « Hourvari », 2009) et De monde en monde(Paris, Arfuyen, 2009).
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C’est sans grande surprise que l’actuel gouvernement conservateur aura, ce printemps, « contraint » financièrement les dirigeants de Radio-Canada à poursuivre la besogne de saccage pour laquelle ils ont déjà démontré un goût et un talent qui ne cessent d’étonner. Si ce n’était du profond malaise qu’il provoque, le geste forcerait une certaine admiration tant les bonzes de la radio d’État — et ceux qui nous gouvernent — font preuve d’une incroyable fidélité à ce qui semble leur tenir lieu de (ligne de) pensée. Que faire, aujourd’hui, en regard de ces politiques ? Qu’il faille maintenant signer des pétitions en ligne pour sauver des émissions comme « Vous êtes ici ? », « Fréquence Libre » et « Macadam Tribus » participe du même scénario débile imaginé par l’illettré de service qui aura réglé son cas à la Chaîne culturelle. La culture ? Allez savoir… On vous renverra sans doute « À la semaine prochaine ».
Une question s’impose : que faire ? Il va sans dire que Radio Spirale ne pourra jamais remédier à l’absence d’une véritable radio « culturelle », ni bien sûr rivaliser de près ou de loin avec les radios dites « publiques », mais sa pertinence ne semble pas moins s’imposer de plus en plus, jour après jour, et chaque nouveau partenaire nous conforte dans la poursuite de ce projet improbable. C’est dire combien nous sommes heureux d’annoncer la participation toute récente de l’Académie des lettres du Québec à la « programmation » de Radio Spirale [www.spiralemagazine.com].
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« Que faire ? », demandons-nous. « Que faire ? », demandent les responsables du dossier que consacrent en ces pages Nicolas Lévesque et Patrick Poirier à
« La déconstruction et le politique ». En ces temps
où manquent les « repères fertiles » pour mieux comprendre notre monde en pleine mutation, il paraît essentiel que des gens se penchent, attentivement, sur ce qui fait symptôme. À ce compte, on verra au fil des pages de ce dossier combien « cette interrogation hante les figures actuelles de la démocratie, des élections présidentielles françaises et américaines, de la souveraineté du Québec, du legs de mai 1968, du déni de l’extermination des Arméniens, pour ne nommer que celles-là ». Au moment et à l’heure « où l’histoire appelle à une réinvention du politique », déconstruire, écrivent les responsables de ce dossier, c’est peut-être précisément donner voix à un projet comme celui de Radio Spirale, c’est-à-dire ouvrir un espace pour « penser ce qui vient » et « accompagner l’urgence d’agir, la demande, le “Que faire ?”, jusqu’au dévoilement d’une fable, du fantasme d’une scène primitive ».
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En cette année du trentenaire de Spirale, il serait difficile de ne pas jeter un regard derrière nous et de contempler, non sans étonnement, le chemin parcouru. En plaçant le numéro spécial qui doit souligner le trentième anniversaire du magazine sous le titre « Critiques intempestives : les œuvres d’avenir des trente dernières années », l’équipe de Spirale a certes voulu éviter les pièges de la nostalgie et de la rétrospection, mais elle a tenu, ce faisant, à rappeler que le deuil est aussi une question d’avenir et qu’il porte la charge de tous les héritages. C’est donc avec grand plaisir que nous annonçons la parution prochaine d’un recueil des textes critiques que Pierre L’Hérault a signés dans les pages de Spirale pendant plus de quinze ans, magazine dont il a assumé la direction de 2002 à 2006. Ces textes — réunis, présentés et édités par Sylvain Lavoie, Ginette Michaud et Élisabeth Nardout-Lafarge — paraîtront sous le titre L’assemblée pensante. Chroniques théâtrales 1994-2007,dans la collection « Nouveaux Essais Spirale » aux Éditions Nota bene. L’ouvrage sera officiellement lancé dans le cadre du colloque international Autour de Pierre L’Hérault, passeur de littérature québécoise, qui aura lieu les 14, 15 et 16 mai 2009 à Udine (Italie) au Centro di Cultura Canadese de l’Université d’Udine. Nous soulignerons de nouveau la parution de cet important recueil de critique lors de la Rencontre annuelle printannière de Spirale. La date et le lieu ne sont pas encore déterminés, mais ils seront annoncés dans les pages littéraires du Devoir en mai. Comme toujours, nos collaborateurs et collaboratrices, ainsi que tous nos lecteurs et lectrices sont chaleureusement invités à se joindre à nous pour l’occasion ! Au plaisir de vous y rencontrer !
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À PARAÎTRE dans le prochain numéro (juillet-août 2009) : Rayonnement du cirque québécois
(dossier sous la direction de Sylvain Lavoie).
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Erratum — Une erreur s’est malencontreusement glissée dans le sommaire du dernier numéro (no 225, mars-avril 2009). Le film La frontière de l’aube est bien entendu l’œuvre du cinéaste Philippe Garrel.